Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/143

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docteurs[1]. Ceux-ci, quoiqu’ils bornassent à peu près leur science à l’étude de la loi, faisaient cette étude avec tout le faste et toute la suffisance dogmatiques. Ils observaient aussi, avec un très-grand soin, toutes les pratiques de la religion ; mais l’Évangile nous apprend l’esprit de cette exactitude, et le cas qu’il en fallait faire. Au surplus, ils avaient tous très-peu de science et beaucoup d’orgueil ; et ce n’est pas en cela qu’ils différaient le plus de nos docteurs d’aujourd’hui.

Dans l’établissement de la nouvelle loi, ce ne fut point à des savants que Jésus-Christ voulut confier sa doctrine et son ministère. Il suivit dans son choix la prédilection qu’il a montrée en toute occasion pour les petits et les simples ; et dans les instructions qu’il donnait à ses disciples, on ne voit pas un mot d’étude ni de science, si ce n’est pour marquer le mépris qu’il faisait de tout cela.

Après la mort de Jésus-Christ, douze pauvres pécheurs et artisans entreprirent d’instruire et de convertir le monde. Leur méthode était simple ; ils prêchaient sans art, mais avec un cœur pénétre ; et de tous les miracles dont Dieu honorait leur

  1. On voyait régner entre ces deux partis cette haine et ce mépris réciproques qui régnèrent de tout temps entre les docteurs et les philosophes ; c’est-à-dire, entre ceux qui font de leur tête un répertoire de la science d’autrui, et ceux qui se piquent d’en avoir une à eux. Mettez aux prises le maître de musique et le maître à danser du Bourgeois gentilhomme, vous aurez l’antiquaire et le bel esprit, le chimiste et l’homme de lettres, le jurisconsulte et le médecin, le géomètre et le versificateur, le théologien et le philosophe. Pour bien juger de tous ces gens-là, il suffit de s’en rapporter à eux-mêmes, et d’écouter ce que chacun vous dit, non de soi, mais des autres.