Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/158

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que ce soit, comment la guerre pourra-t-elle être plus juste dans l’un des partis sans être plus injuste dans l’autre ? Je ne saurais concevoir cela. « Des actions moins étonnantes, mais plus héroïques. » Personne assurément ne disputera à mon adversaire le droit de juger de l’héroïsme ; mais pense-t-il que ce qui n’est point étonnant pour lui ne le soit pas pour nous ? « Des victoires moins sanglantes, mais plus glorieuses ; des conquêtes moins rapides, mais plus assurées ; des guerriers moins violents, mais plus redoutés, sachant vaincre avec modération, traitant les vaincus avec humanité ; l’honneur est leur guide, la gloire leur récompense. » Je ne nie pas à l’auteur qu’il n’y ait de grands hommes parmi nous, il lui serait trop aisé d’en fournir la preuve ; ce qui n’empêche point que les peuples ne soient très-corrompus. Au reste, ces choses sont si vagues qu’on pourrait presque les dire de tous les âges ; et il est impossible d’y répondre, parce qu’il faudrait feuilleter des bibliothèques et faire des in-folio pour établir des preuves pour ou contre.

Quand Socrate a maltraité les sciences, il n’a pu, ce me semble, avoir en vue ni l’orgueil des stoïciens, ni la mollesse des épicuriens, ni l’absurde jargon des pyrrhoniens, parce qu’aucun de tous ces gens-là n’existait de son temps. Mais ce léger anachronisme n’est point messéant à mon adversaire : il a mieux employé sa vie qu’à vérifier des dates, et n’est pas plus obligé de savoir par cœur son Diogène-Laërce que moi d’avoir vu de près ce qui se passe dans les combats.