Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/178

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mistocle, qui étaient des héros, vivaient dans un temps ; Socrate et Platon, qui étaient des philosophes, vivaient dans un autre ; et quand on commença à ouvrir des écoles publiques de philosophie, la Grèce, avilie et dégénérée, avait déjà renoncé à sa vertu et vendu sa liberté.

« La superbe Asie vit briser ses forces innombrables contre une poignée d’hommes que la philosophie conduisait à la gloire. » Il est vrai : la philosophie de l’âme conduit à la véritable gloire ; mais celle-là ne s’apprend point dans les livres. « Tel est l’infaillible effet des connaissances de l’esprit. » Je prie le lecteur d’être attentif à cette conclusion. « Les mœurs et les lois sont la seule source du véritable héroïsme. » Les sciences n’y ont donc que faire. « En un mot, la Grèce dut tout aux sciences, et le reste du monde dut tout à la Grèce. » La Grèce ni le monde ne durent donc rien aux lois ni aux mœurs. J’en demande pardon à mes adversaires, mais il n’y a pas moyen de leur passer ces sophismes.

Examinons encore un moment cette préférence qu’on prétend donner à la Grèce sur tous les autres peuples, et dont il semble qu’on se soit fait un point capital. « J’admirerai, si l’on veut, des peuples qui passent leur vie à la guerre ou dans les bois, qui couchent sur la terre et vivent de légumes. » Cette admiration est en effet très-digne d’un vrai philosophe : il n’appartient qu’au peuple aveugle et stupide d’admirer des gens qui passent leur vie non à défendre leur liberté, mais