Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/203

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teurs quelles couronnent, et que le prix s’accorde, non à celui qu’on croit avoir soutenu la meilleure cause, mais à celui qui a le mieux parlé ; même en me supposant dans ce cas, j’étais bien éloigné d’attendre d’une académie cette impartialité dont les savants ne se piquent nullement toutes les fois qu’il s’agit de leurs intérêts.

Mais si j’ai été surpris de l’équité de mes juges, j’avoue que je ne le suis pas moins de l’indiscrétion de mes adversaires : comment osent-ils témoigner si publiquement leur mauvaise humeur sur l’honneur que j’ai reçu ? comment n’aperçoivent-ils point le tort irréparable qu’ils font en cela à leur propre cause ? Qu’ils ne se flattent pas que personne prenne le change sur le sujet de leur chagrin : ce n’est pas parce que mon Discours est mal fait qu’ils sont fâchés de le voir couronné ; on en couronne tous les jours d’aussi mauvais, et ils ne disent mot ; c’est par une autre raison qui touche de plus près à leur métier, et qui n’est pas difficile à voir. Je savais bien que les sciences corrompaient les mœurs, rendaient les hommes injustes et jaloux, et leur faisaient tout sacrifier à leur intérêt et à leur vaine gloire ; mais j’avais cru m’apercevoir que cela se faisait avec un peu plus de décence et d’adresse : je voyais que les gens de lettres parlaient sans cesse d’équité, de modération, de vertu, et que c’était sous la sauvegarde sacrée de ces beaux mots qu’ils se livraient impunément à leurs passions et à leurs vices ; mais je n’aurais jamais cru qu’ils eussent le front de blâmer publiquement l’impar-