ties sous la tyrannie, acquissent par degrés cette sévérité de mœurs et cette fierté de courage qui en firent enfin le plus respectable de tous les peuples. J’aurais donc cherché pour ma patrie une heureuse et tranquille république, dont l’ancienneté se perdît en quelque sorte dans la nuit des temps, qui n’eût éprouvé que des atteintes propres à manifester et affermir dans ses habitants le courage et l’amour de la patrie, et où les citoyens, accoutumés de longue main à une sage indépendance, fussent, non seulement libres mais dignes de l’être.
J’aurais voulu me choisir une patrie détournée, par une heureuse impuissance, du féroce amour des conquêtes, et garantie, par une position encore plus heureuse, de la crainte de devenir elle-même la conquête d’un autre état ; une ville libre, placée entre plusieurs peuples dont aucun n’eût intérêt à l’envahir, et dont chacun eût intérêt d’empêcher les autres de l’envahir eux-mêmes ; une république, en un mot, qui ne tentât point l’ambition de ses voisins, et qui pût raisonnablement compter sur leur secours au besoin. Il s’ensuit que, dans une position si heureuse, elle n’aurait rien eu à craindre que d’elle-même, et que si ses citoyens s’étaient exercés aux armes, c’eût été plutôt pour entretenir chez eux cette ardeur guerrière et cette fierté de courage qui sied si bien à la liberté et qui en nourrit le goût, que par la nécessité de pourvoir à leur propre défense.
J’aurais cherché un pays où le droit de législation fût commun à tous les citoyens ; car qui peut mieux savoir qu’eux sous quelles conditions il leur convient de vivre ensemble dans une même société ? Mais je n’aurais