Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/245

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pas approuvé des plébiscites semblables à ceux des Romains, où les chefs de l’état les plus intéressés à sa conservation étaient exclus des délibérations dont souvent dépendait son salut, et où, par une absurde inconséquence, les magistrats étaient privés des droits dont jouissaient les simples citoyens.

Au contraire, j’aurais désiré que, pour arrêter les projets intéressés et mal conçus, et les innovations dangereuses qui perdirent enfin les Athéniens, chacun n’eût pas le pouvoir de proposer de nouvelles lois à sa fantaisie ; que ce droit appartînt aux seuls magistrats ; qu’ils en usassent même avec tant de circonspection, que le peuple, de son côté, fût si réservé à donner son consentement à ces lois, et que la promulgation ne pût s’en faire qu’avec tant de solennité, qu’avant que la constitution fût ébranlée, on eût le temps de se convaincre que c’est surtout la grande antiquité des lois qui les rend saintes et vénérables ; que le peuple méprise bientôt celles qu’il voit changer tous les jours, et qu’en s’accoutumant à négliger les anciens usages, sous prétexte de faire mieux, on introduit souvent de grands maux pour en corriger de moindres.

J’aurais fui surtout, comme nécessairement mal gouvernée, une république où le peuple, croyant pouvoir se passer de ses magistrats, ou ne leur laisser qu’une autorité précaire, aurait imprudemment gardé l’administration des affaires civiles et l’exécution de ses propres lois : telle dut être la grossière constitution des premiers gouvernements sortant immédiatement de l’état de nature ; et tel fut encore un des vices qui perdirent la république d’Athènes.