Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/269

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leur industrie, et s’élèvent ainsi jusqu’à l’instinct des bêtes ; avec cet avantage que chaque espèce n’a que le sien propre, et que l’homme, n’en ayant peut-être aucun qui lui appartienne, se les approprie tous, se nourrit également de la plupart des aliments divers (Note 5) que les autres animaux se partagent, et trouve par conséquent sa subsistance plus aisément que ne peut faire aucun d’eux.

Accoutumés dès l’enfance aux intempéries de l’air et à la rigueur des saisons, exercés à la fatigue, et forcés de défendre nus et sans armes leur vie et leur proie contre les autres bêtes féroces, ou de leur échapper à la course, les hommes se forment un tempérament robuste et presque inaltérable ; les enfants, apportant au monde l’excellente constitution de leurs pères et la fortifiant par les mêmes exercices qui l’ont produite, acquièrent ainsi toute la vigueur dont l’espèce humaine est capable. La nature en use précisément avec eux comme la loi de Sparte avec les enfants des citoyens ; elle rend forts et robustes ceux qui sont bien constitués, et fait périr tous les autres : différente en cela de nos sociétés, où l’état, en rendant les enfants onéreux aux pères, les tue indistinctement avant leur naissance.

Le corps de l’homme sauvage étant le seul instrument qu’il connaisse, il l’emploie à divers usages, dont, par le défaut d’exercice, les nôtres sont incapables, et c’est notre industrie qui nous ôte la force et l’agilité que la nécessité l’oblige d’acquérir. S’il avait eu une hache, son poignet romprait-il de si