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Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/311

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la manière dont le laps de temps compense le peu de vraisemblance des événements ; sur la puissance surprenante des causes très légères lorsqu’elles agissent sans relâche ; sur l’impossibilité où l’on est d’un côté de détruire certaines hypothèses, si de l’autre on se trouve hors d’état de leur donner le degré de certitude des faits ; sur ce que deux faits étant donnés comme réels à lier par une suite de faits intermédiaires, inconnus ou regardés comme tels, c’est à l’histoire, quand on l’a, de donner les faits qui les lient ; c’est à la philosophie, à son défaut, de déterminer les faits semblables qui peuvent les lier ; enfin sur ce qu’en matière d’événements, la similitude réduit les faits à un beaucoup plus petit nombre de classes différentes qu’on ne se l’imagine. Il me suffit d’offrir ces objets à la considération de mes juges ; il me suffit d’avoir fait en sorte que les lecteurs vulgaires n’eussent pas besoin de les considérer.


SECONDE PARTIE.

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile[1]. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses sem-

  1. « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; c’est là ma place au soleil : voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » Pascal, Pensées, Ire partie, art. 9, §. 53.