Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/340

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et qu’alors le fils, parfaitement indépendant du père, ne lui doit que du respect, et non de l’obéissance ; car la reconnaissance est bien un devoir qu’il faut rendre, mais non pas un droit qu’on puisse exiger. Au lieu de dire que la société civile dérive du pouvoir paternel, il fallait dire au contraire que c’est d’elle que ce pouvoir tire sa principale force : un individu ne fut reconnu pour le père de plusieurs que quand ils restèrent assemblés autour de lui. Les biens du père, dont il est véritablement le maître, sont les liens qui retiennent ses enfants dans sa dépendance, et il peut ne leur donner part à sa succession qu’à proportion qu’ils auront bien mérité de lui par une continuelle déférence à ses volontés. Or, loin que les sujets aient quelque faveur semblable à attendre de leur despote, comme ils lui appartiennent en propre, eux et tout ce qu’ils possèdent, ou du moins qu’il le prétend ainsi, ils sont réduits à recevoir comme une faveur ce qu’il leur laisse de leur propre bien ; il fait justice quand il les dépouille ; il fait grâce quand il les laisse vivre.

En continuant d’examiner ainsi les faits par le droit, on ne trouverait pas plus de solidité que de vérité dans l’établissement volontaire de la tyrannie, et il serait difficile de montrer la validité d’un contrat qui n’obligerait qu’une des parties, où l’on mettrait tout d’un côté et rien de l’autre et qui ne tournerait qu’au préjudice de celui qui s’engage. Ce système odieux est bien éloigné d’être même aujourd’hui celui des sages et bons monarques,