Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/58

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et la corruption ont de plus honteux ; les trahisons, les assassinats, et les poisons de plus noir ; le concours de tous les crimes de plus atroce : voilà ce qui forme le tissu de l’histoire de Constantinople : voilà la source pure d’où nous sont émanées les lumières dont notre siècle se glorifie.

Mais pourquoi chercher dans des temps reculés des preuves d’une vérité dont nous avons sous nos yeux des témoignages subsistants ? Il est en Asie une contrée immense où les lettres honorées conduisent aux premières dignités de l’état. Si les sciences épuraient les mœurs, si elles apprenaient aux hommes à verser leur sang pour la patrie, si elles animaient le courage, les peuples de la Chine devraient être sages, libres, et invincibles. Mais s’il n’y a point de vice qui ne les domine, point de crime qui ne leur soit familier ; si les lumières des ministres, ni la prétendue sagesse des lois, ni la multitude des habitants de ce vaste empire, n’ont pu le garantir du joug du Tartare ignorant et grossier, de quoi lui ont servi tous ses savants ? Quel fruit a-t-il retiré des honneurs dont ils sont comblés ? serait-ce d’être peuplé d’esclaves et de méchants ?

Opposons à ces tableaux celui des mœurs du petit nombre de peuples qui, préservés de cette contagion des vaines connaissances, ont par leurs vertus fait leur propre bonheur et l’exemple des autres nations. Tels furent les premiers Perses : nation singulière, chez laquelle on apprenait la vertu comme chez nous on apprend la science ; qui sub-