Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/59

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jugua l’Asie avec tant de facilité, et qui seule a eu cette gloire, que l’histoire de ses institutions ait passé pour un roman de philosophie. Tels furent les Scythes, dont on nous a laissé de si magnifiques éloges. Tels les Germains, dont une plume, lasse de tracer les crimes et les noirceurs d’un peuple instruit, opulent et voluptueux, se soulageait à peindre la simplicité, l’innocence et les vertus. Telle avait été Rome même, dans les temps de sa pauvreté et de son ignorance. Telle enfin s’est montrée jusqu’à nos jours cette nation rustique si vantée pour son courage que l’adversité n’a pu abattre, et pour sa fidélité que l’exemple n’a pu corrompre[1].

Ce n’est point par stupidité que ceux-ci ont préféré d’autres exercices à ceux de l’esprit. Ils n’ignoraient pas que dans d’autres contrées des hommes oisifs passaient leur vie à disputer sur le souverain bien, sur le vice et sur La vertu, et que d’orgueilleux raisonneurs, se donnant à eux-mêmes les plus grands éloges, confondaient les autres peuples sous le nom méprisant de barbares ; mais ils ont considéré leurs mœurs et appris à dédaigner leur doctrine[2].

  1. Je n’ose parler de ces nations heureuses qui ne connaissent pas même de nom les vices que nous avons tant de peine a réprimer, de ces sauvages de l’Amérique dont Montaigne ne balance point à préférer la simple et naturelle police, non-seulement aux lois de Platon, mais même à tout ce que la philosophie pourra jamais imaginer de plus parfait pour le gouvernement des peuples. Il en cite quantité d’exemples frappants pour qui les saurait admirer : « Mais quoy ! dit-il, ils ne portent point de hault de chausses. » (Liv. i, chap. 30.)
  2. De bonne foi, qu’on me dise quelle opinion Les Athéniens