Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

xons l’Angleterre, sans autres trésors que leur bravoure et leur pauvreté. Une trempe de pauvres montagnards dont toute l’avidité se bornait à quelques peaux de moutons, après avoir dompté la fierté autrichienne, écrasa cette opulente et redoutable maison de Bourgogne qui faisait trembler les potentats de l’Europe. Enfin toute la puissance et toute la sagesse de l’héritier de Charles-Quint, soutenues de tous les trésors des Indes, vinrent se briser contre une poignée de pêcheurs de harengs. Que nos politiques daignent suspendre leurs calculs pour réfléchir à ces exemples, et qu’ils apprennent une fois qu’on a de tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens.

De quoi s’agit-il donc précisément dans cette question du luxe ? De savoir lequel importe le plus aux empires d’être brillants et momentanés, ou vertueux et durables. Je dis brillants, mais de quel éclat ? Le goût du faste ne s’associe guère dans les mêmes âmes avec celui de l’honnête. Non, il n’est pas possible que des esprits dégradés par une multitude de soins futiles s’élèvent jamais à rien de grand ; et quand ils en auraient la force, le courage leur manquerait.

Tout artiste veut être applaudi. Les éloges de ses contemporains sont la partie la plus précieuse de sa récompense. Que fera-t-il donc pour les obtenir, s’il a le malheur d’être né chez un peuple et dans des temps où les savants devenus à la mode ont mis une jeunesse frivole en état de donner le ton ; où les hommes ont sacrifie leur goût aux ty-