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De retour dans son palais, il partagea la mangue entre ses deux femmes qui, au bout de neuf mois, donnèrent naissance chacune à la moitié d’un enfant qu’elles délaissèrent, bien que chacune de ces deux moitiés fût vivante. Une Râkṣasî, en quête de chair fraîche[1], vint à passer par l’endroit où gisait le double fragment humain. Afin que cela fût plus facile à emporter, elle réunit les deux morceaux ; mais à peine furent-ils en contact immédiat qu’ils se soudèrent l’un à l’autre. Alors apparut aux regards stupéfaits de l’ogresse un enfant parfaitement conformé, d’une force extraordinaire, pareil à un carreau de foudre qui, le poing enfoncé dans la bouche, poussa un cri semblable au fracas des nuées orageuses. On accourut du palais. La Râkṣasî, remit l’enfant au roi, en lui apprenant que c’était son propre enfant. Elle avait revêtu la forme humaine[2], observe le poète, ou plutôt Kṛṣṇa, le narrateur. Le roi nomma son fils Jarâsañdha, c’est-à-dire, assemblé par Jarâ, du nom de la Râkṣasî[3].

Nous avons déjà remarqué cette coutume en vertu de laquelle le père donne lui-même à son fils le nom qu’il veut lui voir porter. C’est tout naturel, d’ailleurs, et pourtant ce fut loin d’être un usage universel.

Plus haut, nous avons noté que Yudhiṣṭhira, jouant aux dés avec Duryodhana, son cousin, avait perdu tout ce qu’il avait, son royaume, ses frères, Draupadî et jusqu’à sa propre personne. Bhîma lui dit à ce sujet d’un ton indigné :

« Dans la maison des joueurs, il y a des femmes peu

  1. Les Râkṣasas et les Râkṣasîs correspondent aux ogres et aux ogresses de nos contes occidentaux.
  2. Id. 48.
  3. XVIII, 11.