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royale assemblée se dispersa. Le nouvel empereur était perplexe. Il dit à Vyâsa :

« Ô le meilleur des Deux-fois-nés, j’éprouve une inquiétude pénible que toi seul peux dissiper. Le bienheureux ascète Nârada prédit qu’il arrivera des présages de trois sortes, au ciel, dans l’air et sur la terre »[1].

La flamme mystérieuse qui s’était échappée du cadavre de Çiçupâla pour pénétrer en Kṛṣṇa n’était-ce pas aussi un présage ?

Vyâsa répondit à Yudhiṣṭhira que l’effet de ces présages se ferait sentir pendant treize années, et qu’il aboutirait à la destruction totale des Ksatriyas, destruction qu’il aura occasionnée lui-même[2].

Il ajouta que lui Yudhiṣṭhira verrait en songe, cette nuit même, Çiva, monté sur son taureau, armé de son épieu et du Pinâka[3] et qu’il ne fallait pas s’effrayer de cette vision, si terrible fût-elle. La destinée d’ailleurs n’était-elle pas inévitable ?[4] Cela dit, Vyâsa se retira dans le Kailâsa, escorté de ses disciples.

Yudhiṣṭhira se désolait à la pensée qu’il dût être la cause de l’anéantissement de sa caste. Il se demandait s’il ne lui valait pas mieux mourir. Ses frères le rassurèrent et le décidèrent à vivre. Il prit la résolution de se conduire avec tant de bénignité et d’user à l’égard d’autrui de tels ménagements qu’il ne fournirait prétexte à aucune querelle, afin de se soustraire à sa terrible destinée. Il tentait l’impossible ; aussi, malgré son esprit de conciliation et son amour de la paix, il lui fallut le subir

  1. XLVI, 7-9.
  2. Id. 11 et seq.
  3. Ce terme désigne tantôt l’arc et le plus souvent la massue de Çiva.
  4. XLVI, 16.