Page:Roussel - Idées religieuses et sociales de l’Inde ancienne.djvu/75

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mais qu’il eût bien fait d’écouter. Il est vrai que Yudhiṣṭhira n’était guère plus raisonnable, lorsqu’il tenait ce langage :

« C’est l’Ordonnateur qui décrète pour les êtres le bien et le mal. On ne saurait s’y soustraire… Je jouerai donc… bien que je sache que les dés me seront funestes ; je ne puis faire autrement »[1].

Cette morale dont le fatalisme est l’essence n’a rien de bien sévère, puisqu’elle autorise, en réalité, tous les abus, tous les excès. Vaiçampâyana, tout sage qu’il fût, ne pensait pas qu’il pût y en avoir une autre :

« Yudhiṣṭhira et Çakuni s’assirent de nouveau pour reprendre leur partie de dés qui devait être funeste à tous les mondes ; ils y étaient forcés par la Destinée »[2].

Duḥçâsana, lorsqu’il vit les Pâṇḍavas partir pour l’exil, ne se sentit plus de joie, et dans son orgueil, il s’écria :

« Aujourd’hui, les Dieux sont venus à nous par (tous) les chemins, (aussi bien par ceux qui sont) unis (que) par les inégaux. Doués de qualités supérieures, nous l’emportons sur nos adversaires »[3].

Il s’imaginait, l’insensé, que ce triomphe était définitif et que la faveur des Dieux était pour toujours acquise à la cause des Kurus. Comme il lisait mal dans l’avenir ! Comme il ignorait sa destinée ! Bhîmasena était plus dans le vrai, lorsqu’il répondait à ce langage arrogant ;

« Je tuerai Duryodhana et Karṇa sera tué par Dhanam̃jaya[4], Çakuni, le joueur de dés, tombera sous les coups de Sahadeva. Je vais prononcer au milieu de l’assemblée

  1. LXXVI, 3 et 4.
  2. Id. 8.
  3. LXXVII, 4.
  4. Arjuna.