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une parole extrêmement grave que les Dieux accompliront, lorsque nous combattrons les uns contre les autres. Oui, le pervers Suyodhana[1], je l'assommerai d’un coup de massue dans la mêlée. Je lui broiera le crâne à terre, sous mon pied. Pour cet insolent personnage, ce félon Duḥçâsana, je boirai son sang comme le lion boit le sang de sa victime »[2].

L’avenir prouva que ce n’était point une vaine forfanterie, chez Bhîma. C’est qu’il avait pour lui le Destin, suivant la parole de Nakula, son frère :

« Les fils pervers de Dhṛtarâṣṭra qui courent à la mort, poussés par le Destin, je les enverrai, malgré leur puissance, dans le séjour de Yaivasvata »[3].

Comme le disait Sam̃jaya : celui que les Dieux veulent perdre, ils commencent par égarer sa raison. Dans cette situation, le mal lui devient le bien et le bien lui semble le mal. Tout lui est préjudiciable[4].

Telle fut l’histoire des Kurus, telle est celle de tout homme que poursuit la Destinée.

En résumé, les Hindous s’enferment dans ce cercle vicieux : « La Destinée est l’œuvre du Karman qui est l’œuvre de la Destinée ». Ils n’en sortent pas.

La prédestination chrétienne contient, il est vrai, un mystère aussi impénétrable que terrible ; du moins n’est-ce pas un non-sens.

  1. Autre nom de Duryodhana qui signifie bon combattant, au lieu que Suyodhana veut dire mauvais combattant, Bhîmasena remploie ici par dérision.
  2. Id. 26-29.
  3. Id. 44. Yama était le fils de Vivasvat ; de là son surnom. Sa mère était Samjñâ. Cf. Bhâg. Pur. 5, XXVI, 6.
  4. Cf . LXXXI, 8 et seq.