Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/228

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reprendre assez d’empire sur lui-même pour répondre en un murmure :

— Tulle.

Éternellement ce nom de ville devait rester lié dans le souvenir de Séil-kor à la bouleversante apparition.

L’examen terminé, Laubé conduisit Séil-kor à sa femme et à sa fille Nina, dans laquelle le jeune nègre, extasié, reconnut, avec une joie divine, l’enfant blonde du jardin.

La vie de Séil-kor fut dès lors illuminée par la présence continuelle de Nina, car les deux enfants, étant du même âge, se réunissaient sans cesse pour les jeux et pour l’étude.

Laubé, au moment de la naissance de Nina, vivait en Crète avec sa femme, à cause d’un volumineux ouvrage qu’il préparait sur Candie et ses habitants. C’est donc en terre étrangère que s’étaient passées les premières années de la fillette, élevée tendrement par une nourrice candiote qui lui avait transmis un léger accent rempli de charme et de douceur.

Cet accent ravissait Séil-kor, dont l’amour et le dévoûment grandissaient à chaque heure.

Il rêvait de tenir Nina un instant dans ses bras ; au fond de son imagination il la voyait en proie à mille dangers, dont il la sauvait avec ardeur sous les yeux de ses parents pleins d’angoisse et de reconnaissance.