Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/258

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Djizmé s’amusa dès lors à jouer à la souveraine. Chaque fois que se présentait une des dates fixées, elle se parait magnifiquement et recevait la foule des quémandeurs, accordant son appui aux uns et le refusant aux autres, sûre à l’avance de voir ses décisions complètement ratifiées par Mossem.

Une chose pourtant manquait au bonheur de Djizmé. Belle, ardente et pleine d’exubérante jeunesse, elle se sentait brûlée de fièvre et de désirs.

Or, Mossem, fidèle à Rul, n’avait jamais accordé le moindre baiser à celle qui passait aux yeux de tous pour son amante idolâtrée.

Consciente du rôle de paravent qu’on lui faisait jouer, Djizmé résolut de se donner tout entière sans aucun scrupule à quiconque saurait la comprendre et l’apprécier.

Durant chacune de ses audiences, elle avait remarqué, au premier rang des solliciteurs, un jeune noir nommé Naïr, qui semblait ne lui parler qu’avec émotion et timidité.

Plusieurs fois elle crut apercevoir Naïr qui, dissimulé derrière quelque buisson, la guettait à l’heure de sa promenade dans le but de la voir un instant.

Bientôt elle ne douta plus de la passion qu’elle avait inspirée au jeune amoureux. Elle attacha Naïr à sa personne et se livra sans réserve au