Avance sa jambe au dehors pour la poser
Sur le marchepied large ; elle paraît n’oser
Que difficilement se montrer ; il lui coûte
D’affronter le plein air, les yeux ; elle redoute
L’approche de la foule et son encombrement ;
En public elle assiste au brusque effondrement
De sa force, de ses facultés les meilleures ;
Elle reste parfois chez elle plusieurs heures
Avant de s’apprêter et de prendre un parti ;
Son corps pusillanime est à moitié sorti ;
Elle a peur d’avancer sa figure craintive
Et fait secrètement l’inspection furtive
Des gens ; elle a tendance à voir de toutes parts
Des bouches devisant contre elle, des regards
La détaillant ; l’idée intime qu’on l’observe
La hante du matin jusqu’au soir et l’énerve ;
Toujours elle soupçonne et veut se méfier,
Pensant qu’on passe dans le but de l’épier ;
Elle croit qu’on la montre au doigt ou qu’on la nomme.
Devant le marchepied, lui faisant face, un homme
Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/145
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.