Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/162

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Et n’ont entre eux aucun lien, aucun rapport ;
Le plus âgé, carré d’épaules, semble fort
À ce jeu-là ; prenant tout son temps, il se baisse,
S’accroupit, se ramasse ; il tient sa bille épaisse
Dans l’arrondissement creux de son second doigt
En ne l’emprisonnant que jusqu’au tiers ; on voit
L’effort mystérieux, contenu, de son pouce
Qui s’apprête longtemps d’avance à la secousse
Grâce à laquelle la bille repartira ;
L’enfant s’applique, juge, espère qu’elle ira
Droit au but, sans sauter au hasard, à sa guise ;
Il calcule, évalue, approfondit et vise,
Oubliant un instant lui-même et l’univers ;
Apparaissant un peu courbée et de travers
Sa langue, comme pour l’aider, se montre et passe,
Et sa pointe inactive est frémissante et basse ;
L’enfant craint de faillir ; tout son être est tendu,
Son bras paralysé, son souffle suspendu.
Debout, épiant la bille, ses camarades
Ne sont pas disposés aux rires, aux boutades ;