Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/163

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Ils attendent figés, inquiets, soucieux,
Et resteront ainsi plantés, silencieux,
Jusqu’au moment prochain, délassant, où l’issue
Du coup, si puissamment réfléchi, sera sue.

Un homme, ayant la tête ingrate d’un pion
Sans envolée et sans imagination,
Tient ouvert avec ses deux mains un épais livre,
Et, le regard baissé, fixe, semble poursuivre
Le fin mot d’un problème ; il demeure enfoncé
Dans les pièges, dans les tracas de l’énoncé ;
Les subtilités, les finesses de l’algèbre,
Où se rebute, où se dépite et s’enténèbre
L’intelligence lente et rebelle d’autrui,
Sont familières, sans nulle impasse pour lui ;
Il n’a pas rencontré d’artiste qui l’émeuve ;
Il est toujours à ses calculs, en fait la preuve,
S’absorbe incessamment dans un travail mental
Sans s’effaroucher d’un nombre monumental ;
Rien ne peut le gêner, le perdre, le distraire,