Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/17

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Est tout seul dans sa barque ; à son mât une voile
Flotte, abîmée et sans éclat, en grosse toile ;
Certains endroits ayant souffert sont rapiécés,
Et des morceaux de tous genres sont espacés ;
Un d’eux mieux défini fait un mince triangle,
La pointe se tournant vers le bas ; il s’étrangle
Et se serre sur un court espace au milieu ;
Le bateau toujours en mouvement penche un peu,
L’arrière se trouvant soulevé par la crête
D’une vague déjà fugace, déjà prête
À suivre sans obstacle et sans bruit son chemin.
Le pêcheur, immobile et calme, a dans la main
L’extrémité rigide, obliquante et tendue
D’une ligne de fond cachée et descendue
Dans l’eau, profondément peut-être. L’homme est vieux,
Il a de gros sourcils épais couvrant des yeux
Encore illuminés, vifs ; sa barbe est inculte ;
Son apparence rude et rustique résulte
De son teint foncé, brun, hâlé par le soleil
Et par l’air ; son sourcil gauche n’est pas pareil