Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/175

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Il sourit à la fois de la bouche et des yeux ;
Mais sa gaîté factice est tout extérieure ;
Elle s’en tient à sa figure ; elle n’effleure
Ni n’envahit en rien son être, son esprit ;
Si refrogné qu’il soit, si maussade, il sourit
Dès qu’il soulève son instrument et qu’il joue,
Quitte à reprendre, quand il s’arrête, sa moue ;
Ses doigts un peu contraints, s’allongeant de travers,
Sont faits à toutes les difficultés, experts
À trouver sans même y penser les places bonnes.
Côte à côte, manquant d’espace, deux trombones
S’en donnent de tout leur cœur, se réjouissant
D’obtenir un son crâne, éclatant et puissant,
Qui va chercher le fond du tympan et qui vibre ;
Dans leurs doigts la coulisse est patinante et libre ;
Ils jouent avec ardeur, avec entrain et feu,
Quoique semblant, dans leur pose, presser très peu
Contre leurs lèvres qui rentrent, leur embouchure.
Un cor, voulant donner sa note intacte et pure,
Lâche son souffle avec prudence ; il est craintif,