Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/176

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Inquiet de ce qui va venir, attentif ;
Entre ses deux sourcils contractés une ride
S’imprime, large et courte ; elle ne se décide
À paraître que sous l’empire de l’effort
Quand il joue ; aussitôt qu’il cesse elle s’endort,
S’efface doucement sans à-coups, se nivelle
En attendant que la cause se renouvelle ;
Son sort intermittent, fugitif, est lié,
Accollé pour toujours, forcément marié
À celui des beaux sons du cor ; elle n’existe
Et ne sort du néant que par eux. Un harpiste
Lève les yeux tout en égrenant ses accords ;
Sa pose fait songer aux célestes transports,
Aux concerts éthérés des anges, aux cantiques,
À l’espoir d’outre-tombe, aux extases mystiques ;
Les doigts du virtuose enivré sont osseux,
Pleins de nerfs, de puissance acquise ; ils sont de ceux
Qu’on soumet de bonne heure au travail, qu’on exerce ;
La harpe en équilibre hésitant se renverse
En arrière vers l’homme, obéissante. Au fond