Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/194

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La femme, en présentant le liquide, sourit,
Mettant une fossette à ses pommettes grasses.
Elle est habituée à faire force grâces,
Souhaitant avec des manières le bonjour
À tous les buveurs qu’elle abreuve tour à tour.
Elle ressasse deux ou trois phrases banales
Qui s’appliquent à tous les cas, très générales,
Et qu’elle ne tient pas à varier beaucoup,
Sur la grosse chaleur ou sur le froid de loup.
Un homme tend la main pour atteindre le verre ;
C’est un butor, un gros ignorant terre-à-terre.
Il ne pense qu’à son ventre, qu’à ses repas
Engloutis ou futurs ; il ne s’enflamme pas
Pour le théâtre, pour la prose ou la musique.
Il n’attache de prix qu’au bien-être physique,
Qu’à l’appétit comblé ; la grosse question
Pour lui, c’est le manger et la digestion :
L’univers passe après. Contre lui se tient coite
Une jeune personne indéchiffrable et droite.
Elle baisse les yeux froidement ; elle sort