Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/222

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L’entourent âprement à cause de ses rentes ;
La nuit, en rêve, ils voient sa mort et ses écus,
Et le réveil paraît dur ; ils sont convaincus
Que le magot sera rond grâce à l’avarice
Du bonhomme qui se refuse tout caprice
Et s’obstine à couper en quatre les liards ;
Ils l’appellent le plus séduisant des vieillards,
Le saturent de leurs mesquines flatteries,
De leurs attentions et de leurs chatteries ;
Quand sa mine s’altère, ils parlent constamment
De lui dicter à leur idée un testament
Qu’on lui ferait signer juste avant qu’il émigre
Pour l’autre monde ; chaque héritier lui dénigre
Ses concurrents les plus forts derrière leur dos,
Afin de décrocher le morceau le plus gros.

Une femme petite, alerte, impertinente,
Inflexible sur la morale, bassinante,
S’apprête à jouer son coup ; le premier venu
Apprend vite de sa bouche et par le menu