Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/223

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Les malheurs dont sa vie est pleine ; elle se noie
Dans un verre d’eau ; pour un rien elle larmoie
Se déclarant fort a plaindre ; elle change tout
En affaires d’état ; dès l’aube elle est debout,
Car, à peine éveillée, il faut qu’elle gigote ;
Elle commence tôt sa tournée, asticote,
Avec un parti pris de rudesse, ses gens,
Qui tous seraient, à l’en croire, inintelligents ;
Elle invente toujours quelque détail qui cloche,
Prodigue ses sermons, fait la mouche du coche,
Va fourrer dans tous les coins le bout de son nez ;
Quand elle commence à rager, on pense : « Assez,
Tais-toi donc, j’ai compris ! » et pendant qu’elle crie
Tout bas on hurle, on la tutoie, on l’injurie ;
On dit : « Fâche-toi fort, avale-moi tout cru ! »
En gardant un air froid ; quand elle a disparu
Avec un dernier mot net, en claquant la porte,
C’est un vrai changement à vue ; on se comporte
Tout autrement ; sans bruit on lui montre les poings
En avançant la lèvre et le menton, à moins