Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/231

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Sans qu’il attrape grand’chose ; il est petit, gros
Et gêné de partout ; sa tournure, de dos,
S’élargissant toujours vers le bas, est comique ;
C’est un inoffensif ; jamais il ne se pique
Quand, suivant une noble habitude, on le prend
Comme tête de turc ; dans sa candeur il rend
Le bon pour le mauvais, est le premier à rire
Quand, s’approchant à pas de loup, on lui retire
Sa chaise au bon moment, afin qu’il tombe assis,
En se faisant un mal affreux, sur le tapis.
On lui fait croire qu’une intrigante l’adore,
Et, profitant de son absence, on collabore,
Pour rédiger en style ardent un billet doux
Lui fixant en plein air, la nuit, un rendez-vous ;
On souligne : « Attendez sans bruit qu’on vous accoste. »
On met la lettre sans signature à la poste ;
Il la lit longuement, la place sur son cœur
En prenant un petit air dégagé, vainqueur,
Sifflote entre ses dents, ne dit rien à personne ;
En attendant que l’heure inoubliable sonne,