Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/238

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Il entre avant vous dans votre chambre, se cache,
Puis, le moment venu, s’avance à pas de loup
Pendant que vous lisez ; il rampe et tout à coup
Surgit en poussant un cri de bête féroce ;
Vous sautez en l’air, pris d’une frayeur atroce,
En appliquant les deux mains à l’endroit du cœur.
Il est rempli de son importance et moqueur,
Accueille les cadeaux en faisant la grimace,
Plaisante les amis et leur répète en face
Qu’un tel, la veille encore, a redit derrière eux,
Qu’ils avaient le dos rond ou la poitrine en creux.
Quand une vénérable et douce vieille dame,
L’examinant avec condescendance, entame
Un colloque avec lui, l’appelant « mon mignon »,
Il riposte par un trait sur son faux chignon
Qu’on a glorifié le matin même à table
Par de l’esprit facile à comprendre, abordable.
Il sait tous les gros mots, apprend on ne sait où
Des intonations, des gestes de voyou ;
Il met les mains dans ses poches, se cambre, siffle.