Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/239

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Quand il est près de sa bonne, il tousse, renifle,
Et dit bien haut avec dégoût : « Pouah ! je m’en vais,
J’ai mal au cœur, peut-on sentir aussi mauvais ! »
Puis, en gagnant la pièce adjacente, il se bouche
Le nez avec deux doigts, tout en pinçant la bouche,
Pour ne pas absorber l’asphyxiante odeur.
Il traite méchamment du haut de sa grandeur
Les domestiques ; par impertinence pure
Il a toujours pour eux quelque parole dure ;
Il leur dit qu’ils ne sont bons qu’à vider les seaux
Et qu’ils méritent à peine les vieux morceaux
Qu’on trouve indignes des chiens galeux ; il insiste
Sur le côté de leur vie humiliant, triste,
Leur fait comprendre très crûment qu’ils auront beau
Grincer des dents, toujours ils seront au niveau
Des esclaves qu’on fouette et des bêtes de somme ;
En présence de quelque étranger il les somme
De finir vite leur ouvrage, et, sur un ton
Railleur, dit qu’on devrait se munir d’un bâton
Pour mener lestement aussi stupide engeance.