Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rapide sous le vent qui le force à ployer,
Et qui le fait glisser sans tangage, un voilier
S’éloigne de la côte, et sa marche est oblique.
On ne sait vers quel point il s’avance ; il se pique
De vitesse, grâce à son peu de poids, gonflant
Ses trois voiles de taille inégale, et filant
Le plus possible, usant de toute son allure.
Deux hommes à son bord ont la même rayure
Très large, épaisse, blanche et noire à leur maillot ;
Ils n’échangent pas une idée et pas un mot ;
Ni l’un ni l’autre n’est enclin aux facéties ;
Leur esprit est tendu, tout aux péripéties
De la course, de la brise et du maniement ;
Ils restent absorbés, attentifs seulement
À ne pas s’adonner à des manœuvres sottes ;
Ils sont habillés sans gêne ; ils ont des culottes
En toile, dont le grand éclat et la blancheur
Révèlent vite la nouveauté, la fraîcheur ;
On peut presque y trouver l’assurance, la preuve
Que l’étoffe n’est pas lavée et qu’elle est neuve ;