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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/53

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Tient la femme par la taille ; son second doigt
S’écarte largement des autres, se sépare,
Se détachant beaucoup sur l’étoffe qu’il barre ;
Les deux amoureux sont calmes, contemplatifs ;
Ils trouvent de profonds mystères suggestifs
Dans le spectacle sans égal et grandiose
De cette immensité forte qui vous impose
Et devant qui le cœur bat, plus fier, ennobli ;
Cela, pour un moment leur procure l’oubli
Des faits habituels et plats, du terre à terre ;
Ils sont dans cet état d’esprit où l’on enterre
Les multiples soucis, légers, quotidiens,
Les tracas lancinants, avec les mille riens
Dont l’indéfinissable et lente kyrielle
Rend la vie absorbante et trop matérielle ;
Leur pensée est bien loin du monde ; ils sont grisés
Par les profonds aspects qu’ils ont poétisés ;
L’homme, dont on voit la joue, ébauche un sourire ;
Son geste de soudain enlacement lui tire
Sa manchette qui monte un peu, laissant à nu