Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/55

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Sur cet inconsistant et facile terrain
Que l’eau, par son élan même, est toujours en train
D’aplanir et d’user, sitôt qu’elle le frotte ;
Le plus jeune des deux enfants marche et barbotte
En pleine vague ; il a dans la main gauche un seau
De métal peint, pour les pâtés en sable ; l’eau
Lui montant jusqu’au bas des chevilles y trouve
Un double obstacle ; la gêne qu’elle en éprouve
Se traduit par des plis courbes, par des remous
D’ailleurs sans importance, inoffensifs et doux ;
Dans le seau de l’enfant, une petite pelle
Se tient debout, un peu penchée ; on ne voit d’elle
Que la poignée, ainsi que le vieux manche en bois
Assez mince, mais dont la hauteur et le poids
Font dévier le tout que cette force entraîne.
La peinture du seau représente une plaine
Avec, dans le lointain, un délicat clocher
Que le seau, par son seul mouvement, fait pencher,
Mais qui semble d’abord se pencher de lui-même ;
Dans la plaine, joyeux et fort, un homme sème,