Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aimant, sans prévenir, faire une brusque fugue
Avec celui qui, dans le moment la subjugue,
Quitte à chercher ailleurs, au bout de quelques mois,
Une ivresse plus neuve et de nouveaux émois
Entre les bras d’un autre homme ; elle fait la folle
Par ses façons. Le peintre est en cravate molle,
En complet excentrique ; il est très moustachu ;
Son menton est fuyant et son nez grand, crochu ;
Il est debout ; il cherche à reculer la tête
Pour juger mieux l’effet de loin, car il s’apprête
À rectifier, dans son travail, un endroit
Avec son mince et long pinceau, qu’il tient tout droit ;
En songeant gravement à faire sa retouche
Il hésite, prend du temps, avance la bouche,
Pèse le pour, le contre, et cligne un peu des yeux
Pour que son jugement plus consciencieux
Lui dise quelle teinte il importe qu’il mette ;
Son pouce sort couché du trou de sa palette
Sur laquelle sont en tas toutes les couleurs,
Toutes, depuis les plus séduisantes pâleurs