Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/89

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Elle cause avec un passant qu’elle connaît
Et qui cheminait sur la route ; un jardinet
S’étendant devant la villa met un espace
Entre les deux causeurs ; l’homme, un ami qui passe,
Saisit l’occasion de dire quelques mots ;
Il se sent tout à coup plus heureux, plus dispos,
Bavardant avec une appétissante fille ;
Le jardinet a pour seule entrée une grille
En ce moment fermée et fixe ; les barreaux,
Pareils comme grosseur, ne sont pas tous égaux
De longueur, dessinant comme un profil de dôme
Par leurs pointes, en l’air ; l’homme a posé la paume
De sa main droite sur un des barreaux ; son bras
Est très haussé, mais non raide ; parlant d’en bas
Il lève énormément la figure et s’appuie
Contre la grille avec l’irrésistible envie
De s’approcher le plus qu’il est en son pouvoir ;
Il est content, il a le désir et l’espoir
De prolonger dans son imprévu ce colloque
Inespéré, fortuit tout autant que baroque ;