Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/90

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Passé sous son bras gauche un livre relié
Est assez gros ; il l’a sûrement oublié,
Mais par instinct son bras est prévoyant et serre
Afin que le bouquin ne tombe pas à terre,
Et le causeur, malgré lui, s’est accoutumé
À ce mouvement-là ; le livre est abîmé,
Usé ; des taches d’encre éteintes, anciennes
Sèment de toutes parts, petites et moyennes
L’épais ensemble des pages ; tout a pâli ;
Avec le temps le noir brillant s’est affaibli ;
L’encre, depuis des ans, fait partie intégrante
Du papier, elle s’y mêle, elle est inhérente
À sa substance ; on y touche sans réussir,
Aussi peu que cela puisse être, à se noircir ;
Un cordon pour marquer — sinon le vrai passage
Le paragraphe ou la ligne — du moins la page
Où l’on en est, sort des feuilles, léger, ballant
Et pend sans but et vers le vide en s’enroulant
Sur lui-même, à présent que rien ne l’en empêche.
À la fenêtre la femme est jolie et fraîche ;