Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/149

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Pizzighini, paresseux et débauché, appréciait fort des bénéfices qui lui coûtaient si peu de peine. Toutes les fois que le sang mouillait à souhait son linge et sa couche, les largesses venant à lui des divers points de la région le faisaient vivre un an dans une plantureuse et sereine oisiveté. Mais, trop lâchement imprévoyant pour épargner, il tombait dans la misère après chaque sudation médiocre.

Une année, à l’habituelle date printanière, avant de se mettre au lit pour subir sa fiévreuse transpiration périodique, il cacha un couteau sous ses draps dans le but d’aider le phénomène en cas de besoin.

Justement l’avorton n’eut ce jour-là qu’une moiteur fort pauvre ; quelques rares gouttelettes rouges perlaient à peine sur son visage. Effrayé par la perspective des longs mois d’indigence qui l’attendaient, il saisit le couteau et, sous prétexte de mouvements nerveux dus à la fièvre, réussit à se faire aux membres et au torse une série d’entailles profondes sans éveiller les soupçons des observateurs groupés autour de lui.

Le sang, dès lors, inonda les linges, à la grande joie de tous. Mais le nain blessé n’était