Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus maître d’arrêter l’hémorragie ; c’est en le laissant exsangue et à demi mort que les assistants se retirèrent, émerveillés, pour annoncer au peuple que jamais, à beaucoup près, la sueur rouge n’avait coulé avec une telle profusion.

Des offrandes particulièrement belles et nombreuses parvinrent à Pizzighini, qui, faible et anémié, ne se traînant qu’avec peine, effrayait chacun par l’affreuse blancheur de son teint.

Or une terrible sécheresse ne cessa de régner pendant cette saison-là, et partout la famine sévit cruellement. Pour la première fois les événements contredisaient les présages de la suette.

Ceux qui avaient épié le nain pendant sa crise sudatoire flairèrent quelque supercherie et tinrent désormais pour suspects ses prétendus gestes fiévreux ; en le forçant à montrer son corps on découvrit les cicatrices laissées par les entailles volontaires qu’il s’était faites.

La divulgation du subterfuge déchaîna un immense tollé contre l’imposteur, qui, en extorquant de magnifiques dons, avait d’avance rendu plus cruelle la misère présente des masses.