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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/156

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un allemand comiquement pénible qui fit rire les gaies promeneuses ; dès lors, sentant sa cause gagnée, il n’eut qu’à insister légèrement pour amener leur groupe devant lui.

D’un air mystérieux, le vieillard, après avoir examiné l’enfant, prit sur sa table une coupe à fond plat, dans laquelle s’étalait régulièrement une mince couche d’éclatante limaille de fer.

Tenant lui-même l’objet par le pied, il pria la jeune mère d’en frapper trois fois le bord avec un doigt en pensant au destin de son fils. Passivement obéissante, elle donna du bout de l’index, sans lâcher son vivant fardeau, les trois chocs demandés.

Le charlatan, avec précaution, reposa la coupe et, chaussant d’énormes lunettes, examina les remous et perturbations que le triple coup avait produits dans la limaille, tout à l’heure parfaitement lisse.

Soudain il fit un grand geste d’ébahissement et, avisant une écritoire placée devant lui, prit une feuille blanche pour y copier à l’encre la figure tracée dans la poussière métallique.

Puis il tendit le papier à la jeune femme, qui put y voir ces deux mots français : « Sera pillé »,