Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/228

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Apercevant au sommet du tas force épluchures de poires, il se souvint que, la veille, un des bandits avait volé dans une charrette de paysan un plein panier de crassanes dont tout le camp s’était régalé. Il tenait le fait de Piancastelli, qui lui avait servi un de ces fruits à souper.

Gérard, traversé par une idée soudaine, recueillit, en passant le bras entre deux barreaux, tous les filaments blancs constituant le prolongement des queues, dont il les sépara. Ôtant les pépins et leur entourage, il eut d’épais cordons primitifs, bientôt divisés soigneusement en de nombreux fils minces, dont ses doigts novices, tissant et nouant sans relâche, firent, à force de persévérance, un bonnet acceptable. Parée de cette coiffure et couverte jusqu’au cou, le visage vers le mur, la statue donna l’illusion d’un enfant véritable. L’onguent imitait bien la chair, et le bonnet semblait être en linge.

Le poète eut soin de restituer au tas mis par lui à contribution tout le compromettant résidu tombé de ses mains pendant sa tâche.

Quand Luzzatto vint avec le repas de midi, Gérard, domptant une terrible émotion, le pria de faire silence, pour respecter, dit-il, le sommeil