Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/231

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s’était plu à la passer au revers du donateur. Prisonnier, le poète avait pieusement conservé ce doux souvenir de celle qu’il n’espérait plus revoir.

Gérard, songeant maintenant à employer comme plume une des épines de cette rose, les arracha toutes sauf la plus longue, au-dessus de laquelle, avec son ongle, il trancha la tige, se trouvant ainsi en possession d’un instrument commode.

On lui accorda, sur sa demande, la jouissance de quelques livres trouvés dans son bagage ; parmi eux, un grand dictionnaire fort ancien commençait et finissait par une feuille blanche qu’avait ajoutée le relieur — et offrait ainsi quatre vastes pages intactes, prêtes à recevoir un travail important.

Gérard savait que son sang, amené par une piqûre de l’épine, eût pu lui servir d’encre ; mais il craignait de faire deviner sa ruse en tachant malgré lui son linge ou ses habits.

Il se dit que, réduite en poudre, une matière durable, telle qu’un métal par exemple, pourrait, en colorant des caractères tracés à l’eau, seul liquide disponible, donner, après assèchement naturel, un texte lisible et stable.