Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/267

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sombre des fascinantes blancheurs constitutives de son héros.

S’écartant alors du modèle, il parsema la page noire de nombreux Gilles en ratures, variant selon sa fantaisie la pose et l’expression.

Averti par son instinct qu’une voie fertile venait de s’ouvrir sous ses pas, il s’ingénia fort assidûment, dans la suite, à confectionner, grattoir en main, sur papier largement maculé, une foule d’esquisses du même personnage, vu sous divers aspects. Il obtenait, avec les rares vestiges d’encre laissés au laiteux visage par sa lame, d’étonnants jeux de physionomie.

Ayant tenté de modeler des Gilles en mie de pain, il crut voir une clarté brusque s’épandre sur sa vie. La statuaire, qu’il avait de tout temps préférée au dessin, faisait mieux encore s’épanouir les mystérieuses facilités que lui donnait son sujet favori. Sculpter des Gilles, cela, il le sentait, lui procurerait gloire et fortune.

Mais comment progresser avec sa mie pour toute argile et ses doigts comme outils — sans un centime pour s’offrir mieux ?

Il avait chaque semaine une classe de botanique du professeur Brothelande, qui, célibataire