Aller au contenu

Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond de l’Inde, où son père, jeune colonel, était mort sous ses yeux au cours d’une excursion, la gorge broyée par la mâchoire d’un tigre dont l’attaque subite n’avait pu être prévenue. D’intarissables flots vermeils coulant de la carotide ouverte avaient, pour jamais, donné à Ethelfleda l’horreur nerveuse du sang et, jusqu’à un certain point, des objets de couleur rouge. Incapable d’habiter une chambre tendue de rouge ou de revêtir une robe rouge, elle avait toujours, depuis lors, incliné vers la bizarrerie.

Lord Alban Exley, fils affectueux autant que prévenant époux, ne se séparait jamais de sa vieille mère, dont la santé précaire l’inquiétait. C’était avec elle et Ethelfleda qu’il avait passé en France le précédent mois d’août, dans un vaste Hôtel de l’Europe dominant une des brillantes plages de la côte normande.

Sportsman accompli, fervent d’équitation et de menage, Alban s’était fait suivre là d’une partie de ses écuries.

Un après-midi, devançant sa femme qui achevait de s’apprêter, il venait de s’installer, guides en mains, dans son spider — ou léger phaéton de campagne. Ambrose, son jeune