Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Laissant libres différentes places formant des lettres majuscules pareilles à celles des clichés typographiques, Félicité, préalablement, avait badigeonné chaque ortie au pinceau avec une mystérieuse drogue incolore, propre à ôter aux feuilles les propriétés envenimantes dues à une sécrétion de leurs poils. Toutes fort plates grâce à un tri soigneux, les plantes, pour le coup à porter, ne donnaient le choix qu’entre deux côtés, préparés chacun de même. Fustigée, la peau de Luc, subissant l’effet irritant des seuls endroits géométriquement épargnés par l’enduit, offrait aux yeux, dans un bref délai, une rouge formule incisive semblant conçue par le cerveau de l’inoffensif tortionnaire, dont elle trahissait la mentalité.

Force indices de défauts et de qualités figuraient ainsi dans la gerbe.

Or on ne pouvait mieux symboliser le paradoxe qu’en entachant de couardise la plus intangible gloire militaire de l’histoire.

Plusieurs traits déconcertants, lancés sur l’iriselle par Lelutour imperturbable, avaient guidé Félicité pour la nomination mentale de l’ortie fatidique.