Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/394

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Rangeant sa gerbe, la sibylle sortit d’une étroite et haute boîte de vieux cuir au couvercle absent un grand jeu de tarots — et posa l’un d’eux à plat, le dos touchant la table. Avant peu une musique argentine s’échappa de la carte, bien que nulle épaisseur anormale n’autorisât la présence d’un mécanisme intérieur. Adagio incohérent, semblant dû au caprice improvisateur de créatures vivantes, l’air, empreint d’une bizarrerie exempte de toutes fautes harmoniques, se déroulait avec mollesse.

Un second tarot, prenant place près du premier, engendra un motif plus alerte. D’autres, mis successivement sur table, jouèrent tous leur morceau discret aux sons purs et métalliques. Pareil à un orchestre indépendant, chacun, une fois couché, attaquait tôt ou tard sa symphonie, traînante ou vive, sombre ou joyeuse, dont l’imprévu, presque hésitant, trahissait le faire personnel de sujets animés.

Jamais aucune infraction aux règles ne frois-