Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

milieu d’elles son sillon profond, et court toujours sans écouter leurs plaintes.

Quelle puissance dans cet organisme de fer ! Quelle grandeur dans l’âme qui l’habite, et qui n’est autre que le génie de l’homme ! Mais en même temps comme on sent bien, en mer, que l’assistance divine lui est toujours nécessaire !

Que faut-il en effet pour que ce mécanisme si savant et si fort fasse soudainement défaut ! Que faut-il pour que ce titan devienne une épave ? — Un rien, une cheville qui se brise, un écrou qui se déplace, un jet de vapeur qui s’échappe.

Une étincelle dans les flots d’huile qui coulent partout suffirait aussi pour allumer un incendie ; et que deviendrions-nous entre le feu et l’eau, à douze cents milles des côtes ?

Mais, dans la nuit sombre, au-dessus des vagues amoncelées, plus haut que les nuages ténébreux qui nous cachent les célestes flambeaux, nous savons que l’œil de Dieu flamboie, qu’il nous regarde et qu’il nous protège.


25 Novembre.

Les côtes d’Irlande se dessinent à l’horizon, et dans quelques heures nous serons à Moville.

J’ai traversé la mer en avril, en juin, en août et en septembre, et je n’hésite pas à dire que la traversée que je viens de faire est la plus belle de toutes, au point de vue de la température, du vent et de la rapidité.