Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/10

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Ce matin le temps s’est fait humain. Ce n’était plus ce brouillard gris, indécis, humide qui vient on ne sait d’où, et qui s’élance on ne sait où. Les nuages se dessinaient, se soulevaient, prenaient des teintes diverses, se promenaient plus lentement, et laissaient apercevoir vers le Nord un petit coin du ciel. L’air était plus pur et plus chaud.

Bientôt le vent s’est apaisé et la mer s’est aplanie. Toute la gaîté revient, les tables sont regarnies de convives, et le pont se ranime.

Il était temps, car nous avions une mine piteuse. À force de mordre dans le citron qu’on nous avait recommandé contre la maladie nous en avions pris la couleur. Et puis, quand en se mettant à table on voyait les verres, chancelant avant même qu’ils ne fussent remplis, et les convives titubant lorsque les bouteilles n’étaient pas encore ouvertes, l’appétit était facile à satisfaire.

Mais voilà la mer qui ondule sous une jolie brise du Sud-Ouest et nous avons eu un coucher de soleil plein de promesses.

Le firmament, toujours un peu triste, s’est tenu caché presque tout le jour derrière une épaisse muraille de nuages ; mais vers le soir il a soudainement montré le bas de sa robe bleue à l’occident. Quelle pureté ! Quelle limpidité ! Quelle transparence inimitable dans ce bleu du firmament !

À mesure que le soleil descendait à l’horizon, le voile de nuages se soulevait lentement comme le