Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/23

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Je me livrais entièrement à l’admiration de ce tableau, lorsqu’une jeune canadienne qui passait en Europe sous des circonstances qui ne lui plaisaient qu’à demi, s’écria : « Après tout, les bords du Saint-Laurent sont aussi beaux que cela. »

Un européen lui dit alors : Mademoiselle, vous avez au Canada une bien belle nature, mais vous n’avez pas ce que nous voyons ici, et il lui montrait les pans de murs aux formes étranges, avec leurs portes démantelées et leurs tourelles décapitées.

Des ruines ! répliqua-t-elle, grâce à Dieu, nous n’en avons pas, et n’en voulons pas avoir !

La réplique me parut alors pleine de fierté et de patriotisme.

C’est que je n’avais pas encore subi cette attraction — disons mieux — cette séduction que les ruines devaient bientôt exercer sur mon esprit et mon cœur. Plus tard, en Italie surtout, je compris que ce beau dédain pour les ruines n’est pas dans la nature.

Parti d’un monde où tout est jeune encore et plein de promesses, qui ne regarde que l’avenir, parce qu’il n’a pas encore de passé, j’ai pu résister pendant quelque temps à l’attrait puissant des ruines ; mais peu à peu ces grands squelettes des peuples qui ont vécu ont captivé mon attention et je me suis laissé entraîner par leur charme mystérieux. Ils m’ont parlé une langue que je n’avais pas encore entendue, mais que j’ai comprise et trouvée bien belle.

Tout meurt, les choses comme les hommes. Il y