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PARIS

En France, au contraire, le gothique est en quelque sorte l’architecture nationale, et garde le souvenir impérissable de la mission civilisatrice et évangélique de la fille aînée de l’Église à l’égard des peuples du Nord et de l’Occident.

L’artiste qui a bâti Notre-Dame n’est pas un homme ; c’est un peuple, c’est la France. C’est la nation très chrétienne, ayant à sa tête des rois très chrétiens, qui a voulu donner à sa foi une expression nouvelle, qui a rejeté les formes souillées par le paganisme, et qui a créé un art original, un langage de marbre jusqu’alors peu connu pour affirmer sa foi et perpétuer son culte !

Notre-Dame est un poême du moyen-âge, écrit en marbre, majestueux et inspiré comme la Chanson de Roland, varié et immortel comme le culte catholique, quoiqu’il n’ait pas et ne puisse pas avoir la même unité et la même harmonie.

Car, comme toutes les grandes églises dont la construction a exigé des siècles, Notre-Dame a subi les transformations et les modifications de l’art, en même temps que les différences d’inspiration des artistes et des écoles qui se succédèrent dans l’accomplissement de ce travail gigantesque.

Elle n’est l’expression ni d’un seul artiste, ni d’une seule époque, ni d’un seul plan conçu et exécuté d’après les règles d’un style unique. Elle porte l’empreinte de la marche des siècles, et raconte à l’artiste cette période de l’histoire de l’art qui s’étend du roman au gothique. La base est romane, et les étages supérieurs forment une zone gothique.