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PARIS

mais ils reçurent l’ordre de cesser le feu et de rentrer dans leurs casernes.

« Alors, dit Georges de Cadoudal, auquel j’emprunte ce récit, commença la sanglante orgie, une des plus effroyables dont l’histoire ait enrégistré le souvenir. Le flot des assaillants pénètre par toutes les voies dans le palais de la Royauté. Les bandes de Santerre et de Westermann se ruent, avec des instincts de bêtes fauves sur les soldats isolés qu’elles trouvent dans les appartements. Ceux qui se sont montrés les plus lâches au combat sont les plus ardents au massacre et au pillage. Ils égorgent ou brisent tout ce qui leur tombe sous la main. On tue jusqu’aux blessés et aux mourants, jusqu’aux chirurgiens qui les pansaient, tous les serviteurs du château, les Suisses dans leurs loges, les chefs d’office et les marmitons dans les cuisines, les huissiers, heiduques et valets de pied, dans les antichambres. Après s’être gorgés de sang, les massacreurs se gorgent de vin, descendent dans les caves et enfoncent les futailles. Les uns volent du linge, des bijoux, des assignats, de l’argent. Un avocat nommé Daubigny, vola cent mille francs, que sa femme sous le coup de menaces, dût restituer le lendemain. D’autres mettent en pièces tous les meubles de la résidence royale, glaces, pendules, livres, tableaux, objets précieux, et les jettent dans les cours, pêle-mêle avec les cadavres. On voyait des porte-faix et des chiffonniers s’affubler des ornements royaux, des costumes du sacre, s’asseoir sur le trône, et parodier les représentations de la Cour. Les prostituées, ces dignes reines de l’émeute, revê-